ce soir... une histoire !!

ce soir je vais vous raconter une histoire....
l'histoire d'Antoine Bonfils...
une histoire vraie !!

Antoine c'est un journaliste du Point parti faire l'Everest pour y faire un reportage pour une émission télé (avec les jumeaux Igor et Grishka Bogdanov)

j'étais dans la mailing list car ma soeur travaille pour le magasine Le Point donc on a eu les news chaque semaine...

et ????

1er episode l'arrivée :


From: Antoine Bonfils

To: LE POINT

Sent: Tuesday, September 23, 2008 1:45 PM

Subject: Bonjour du Népal



Namasté à toutes et à tous. (En photo avec mon guide Tshiring Sherpa)





Trente ans, jour pour jour, après la première ascension française de l’Everest par Pierre Mazeau, Jean Affanassief et Nicolas Jagger (c’était le 15 octobre 1978), je vous propose de revivre cet exploit hors du commun et de me suivre dans cette ascension tout à fait exceptionnelle.

J’ai été désigné Leader de cette expédition French Everest Autumn 2008. Et c’est pour moi un immense honneur que me font les autorités népalaises.

Nous sommes arrivés à Namché Bazar (3500m d’altitude) après deux jours de marche depuis le village aérodrome de Lukla.

Lukla, situé à 2800m, est la porte d’entrée dans la vallée du Kumbu (vallée de l’Everest). Chaque jour de petits bimoteurs apportent leur lot de

trekkeur depuis Katmandou. Ce vol aérien d’une heure nous allège de 100 euros et de 6 jours de marche. Ensuite Namché Bazar n’est plus qu’à deux

jours. Enfin c’était sans compter sur une vache folle qui s’est littéralement jetée sur moi brisant mon altimètre au passage. Hostile le Népal, après le

môme qui me pique mon portable à Katmandou lors d’une célébration religieuse, voilà la vache qui « jump » (c’est bien le terme employé par les

témoins) sur moi. Ca ne pouvait pas mieux commencer.




Namché Bazar, quand on y arrive, est une vraie petite ville étagée, accrochée à la montagne où vivent 2000 âmes, c’est aussi la capitale des

Sherpas et le carrefour entre le Tibet et le Népal.

Aujourd’hui la ville ne vit plus que du tourisme. Il y a encore deux ans le marché noir entre le Tibet et le Népal était l’activité principale. Mais,

depuis que les Chinois se sont amusés à tirer sur des réfugiés tibétains au col du Nangpa Là, notamment sur une nonne (filmé par des Occidentaux),

les ardeurs ont quelque peu été refroidies et la frontière bouclée. Auparavant, les Tibétains passaient le col chargés de produits chinois contrefaits puis

les stockaient ici à Namché. Ensuite, les Népalais les acheminaient vers Katmandou via Lukla. Quand ils n’étaient pas vendus directement sur place.

Aujourd’hui les Tibétains ont trouvé un nouveau cheminement, par la route, sous couvert des autorités locales chinoise. On ne mélange pas le

business et les réfugiés, surtout les nonnes. On trouve de tout contrefait à Namché, aussi bien des vestes North Face, des cartes mémoires pour

appareils photos, des piles, des moines, des scalps de yéti que des médicaments…pour les maux de têtes du yéti, justement.

Cela fait deux jours que je zone à Namché Bazar, à la recherche d'un scalpe de vache, je tente de m’acclimater à cette première altitude 3500-3800m.

Je ne souffre pas du mal des montagnes, mais passer du plancher des vaches à 3500m d’altitude sans ressentir une certaine fatigue me semble

ambitieux. Aussi ai-je décidé de prendre mon temps pour rejoindre le camp de base de l’Everest à 5400m. D’autant que j’ai appris aujourd’hui qu’une

avalanche s’était produite et avait emporté une partie du camp de base.

Quand je disais que ça ne pouvait pas mieux commencer…

Après avoir fait mon premier footing hier et une marche d’acclimatation, c’est plein d’espoir et de dal bat (plat national tibétain, dal pour

lentilles et bat pour le riz), que j’aborde cette deuxième semaine au Népal.

Nous partirons demain pour Pangboche à 3930 m d’altitude, en claquettes bien entendus puisque mes porteurs sont partis direct au camp de base

avec mes chaussures (m'enfin !), ensuite Dingboche à 4410 m puis deux jours de repos. Pas que pour moi, mais plutôt pour Narayan

mon porteur (kulli en népalais) qui a en charge l’acheminement de ma précieuse valise Inmarsat sans qui vous n’auriez pas mes mails, mais aussi ma

caméra et son pied, mes panneaux solaires, mes kilos de batteries, mes livres et tout mon bordel qui ne sert pas, mais qu’on prend quand même.

D’ailleurs j’ai vu un peu grand pour les livres…

Sinon côté films, j’ai juste trouvé Hulk en DVD piraté, en langue Indi sous titré Népalais ou sinon Tragédie à l’Everest… Je me répète mais ça ne

pouvait vraiment pas mieux commencer.





PS : Comme vous pouvez le voir, "Le Point" se porte bien...



PS : le texte et les photos sont signés Antoine Bonfils

zazote a écrit:

et ????

minute papillon !!
faut que je fasse la mise en page et tout

non mais super top ce que tu fais là !!!
chu a fond

episode 2 : l'acclimatation....


From: Antoine Bonfils
To: LE POINT
Sent: Friday, September 26, 2008 2:32 PM
Subject: Fait froid au Népal



Bonjour à tous,

Quelques petites nouvelles du Népal pour vous dire que je suis maintenant à
4900m d’altitude (le Mont Blanc n’a qu’à bien se tenir), dans le village de
Lobuché. Et, à Lobuché, il fait froid, très froid.
Nous sommes en automne et on ne peut pas dire que la météo soit favorable.
En fait, on se pèle depuis trois jours. Et ce n’est que le début. Le camp de
base de l’Everest est posé sur la moraine, en d’autres termes sur la glace.
Sympa ! On doit y rester un mois minimum. Je pense que ma toilette attendra
un peu. De toute façon on perd l’odorat et le goût. Et puis ce n’est pas mon
yak qui va se plaindre, ou alors on rêve.



(en photo Lobuché 4900m après une nuit à -15)



Ca faisait un moment que je n’étais pas allé à l’église alors l’idée de
rencontrer Lama Gueshi au monastère de Pengboche m’amusait un peu.
J’ai eu droit à ma « puja », sorte de cérémonie religieuse censée me
protéger dans mon périple everestique. Durant une heure, Lama Gueshi a dit
des incantations, m’a jeté du riz et a baptisé tous nos drapeaux à prières.
Il m’a remis également des mantras à réciter régulièrement. Comme je lis
couramment le tibétain…

Côté acclimatation, je n’ai pas d’autres choix que d’arriver vite au camp de
base, ne serait-ce que pour enfiler des vêtements chauds et une vraie paire
de chaussures. En claquettes depuis le premier jour, je vous laisse imaginer
l’état de mes pieds… Nous nous amusons à comparer nos pieds avec les
porteurs. « Gobar » ça veut dire bouse de yak en népalais, no comment ! Donc
pour l’acclimatation je frise les 90 % de saturation, ce n’est pas mal en si
peu de temps. Mon sherpa Tshiring en est à 82 %, moins bien mais il a une
bonne excuse en forme de grosse brioche qui lui entoure le ventre.



(En photo Lakpa Tonio)



N’étant pas très épais, je m’astreins à un nouveau régime, le steak de Yak.
Bon, bien sûr, faut pas aller en cuisine. A partir de 4000m, ici, on ne peut
plus tuer d’animaux, c’est religieux mais pas très hygiénique. Donc le yak
que j’ai mangé ce soir a mis une semaine pour arriver dans mon assiette. Par
courtoisie évidente, ce sont les sherpas qui portent la viande, pas les yak,
off course, s’ils savaient.
La boisson traditionnelle est, comme vous le savez, le thé au beurre de yak.
Maintenant, le lait en poudre a remplacé le beurre de yak ; le yak en avait
marre d’être trait, au grand bonheur de sa femme la Nak. Donc si vous voulez
commander un thé au lait prononcez : « Malaï dudh thia Dinuus » («
Pourrais-je boire un thé au lait ? » Dudh pour le lait et Thia pour le thé).
L’eau se dit « Panni » et l’eau chaude « Tato Panni ». Pour ma part j’ai
opté pour le « Malaï tato dudh chocolate dinnus ». Je vous laisse traduire.

Si je survis à mon yak steak cette nuit, je pars demain pour le camp de
base, retrouver une expédition coréenne (on connaît leur humour), et une
autre italienne (on connaît leur modestie). La bonne nouvelle, c’est qu’ils
ont une jolie docteur italienne et comme je me sens faible…
J’ai fait sans grande conviction un passage à l’hôpital de Pheriche (4400m)
afin d’être testé par une doctoresse, mais pas italienne pour le coup, et si
je ne suis pas trop mal physiquement, atteindre le sommet de l’Everest sans
oxygène relève de la foi. Ils m’ont prédit un taux de saturation de 50 % au
sommet : en d’autres termes, essayez de marcher dans la neige profonde avec
juste de quoi alimenter votre cerveau et rien d’autres. Vaut mieux un petit
cerveau ! Quand vous demandez à un médecin népalais si c’est possible, il
vous répond invariablement : ça dépend du type. Me voilà bien avancé.
Une chose est sûre, je ne dois pas passer plus de six semaines au camp de
base sans quoi je n’aurai plus que la peau sur les os. C’est garanti
weightwatcher.
Sur ce, je vais tenter de dormir dans ma chambre où il règne un froid
glacial, 1°C. Mon yak est parti dormir ailleurs, il s’est trouvé un petit
coin près du poêle… de Yak….


J’ai été rebaptisé Ramro chora ho

Antoine "Lakpa" Ramro chora ho

( Ce qui veut dire que je suis né un mercredi « Lakpa » et « Ramro chora ho
» signifie « bon fils »)





(en photo mon sherpa qui téléphone à sa femme et qui lui passe tous ses enfants, la note, c'est pour moi...)


Antoine Bonfils

episode 3 : l'acclimatation suite....


----- Original Message -----
From: Antoine Bonfils
To: LE POINT
Sent: Thursday, October 02, 2008 3:57 PM
Subject: Liberez-moi de la dépression !



Bonjour à toutes et à tous,




(En photo dans un caisson de décompression pour me soulager de ma dépression)



Je répétais à qui voulait l’entendre avant le départ que faire
l’ascension de l’Everest était une somme de détails qui, mis bout à
bout, permettaient d’envisager cette ascension et de revenir indemne.
Dans mon cas précis, le petit détail que j’avais négligé se résumait à
mes fameuses claquettes qui, depuis Katmandou, provoquaient un petit
point de frottement, pas bien méchant, qu’un pansement
dissimulait. Mais c’était oublier l’altitude et sa loi.
D'abord, il a fallu que je me démène pour mon porteur qui
souffrait du mal des montagnes – depuis le début,
je disais que nous montions trop vite. Et ça n’a pas loupé: le porteur
raide toute une nuit… J’ai dû le bourrer de diamox (médicament contre
le mal des montagnes) et le faire redescendre dès le lendemain
matin. Ses jours ne sont plus en danger, il doit boire du Rasky à
Katmandou à l’heure qu’il est. Le mal des montagnes n’a pas épargné
non plus le plus résistant des cuisiniers, Hem, mon cook: il est resté
malade deux jours en arrivant au camp de base. Joli doublé.
Moi qui ne souffre pas du mal des montagnes qu’allait-il pouvoir
m’arriver ? Moi, le leader de cette invraisemblable expédition. Et
bien je l’appris en soulevant délicatement ce petit pansement que
j’avais si habilement glissé entre ma malléole et ma claquette
droite. Horreur ! Et soudain, le vertige ! Deux moi d’expéditions,
tant d’argent et d’espoir qui s’écoulent de la plaie béante laissée
par une infection purulente. Beurk ! Comment ai-je pu être si léger, si
distrait par une petite ampoule de rien de tout. Comment moi qui
cours tous les jours depuis 18 ans ai-je bien pu me faire avoir par une
stupide ampoule de m…




(En photo le camp de base de l’Everest à 5400m)



Ni une, ni deux en arrivant au camp de base de l’Everest claudiquant
toujours en claquettes (of course), je me précipite sur la jolie
doctoresse italienne de l’expédition « High Care 2008 ».
Et là nouveau drame… Point de doctoresse, juste Gianfranco Parati, le
médecin chef de l'expé, qui, de son mètre 90, me demande de me
rhabiller. J’avais déjà enlevé ma chemise, au cas où…
Après examen, l’ordre de redescendre à 4000m d’altitude tombe comme
un couperet. Une guérison à 5400m est illusoire et je ne peux pas me
passer de mon pied droit pour l’ascension, ou bien je le laisse en
offrande à Sagarmatha (Déesse mère des neiges en népalais, Everest
pour les Occidentaux).
C’est donc avec le cœur gros et le pied bot que je dus me résoudre à
redescendre au dispensaire de Phériché à 4400m d’altitude. Une énorme
journée de marche en vue, seul avec mon porteur et mes ampoules. Quand
je compare nos sacs, qui porte le plus lourd ? Je devrai lui en laisser porter un peu plus, mais je n’ai décidément pas assez
l’esprit colonial, c’est dommage.

Voici donc Phériche, 4400m d’altitude, quelque part sur la route de
l’Everest. « La Kumbu Highway » comme on l’appelle, avec ses bars, ses
lodges , ses p…
Le lodge de Phériche, c’est un peu le saloon du far-west népalais avec son
propriétaire mafieux qui passe ses jours à compter les dizaines de
milliers de roupies que lui laissent les trekkeurs de passage.
Environ 3500 roupies par jour (35€), un Dal Bat est à 350 roupies, le
salaire d’un porteur lui est de 500 roupies par jour…



(En photo Ang Nuru Sherpa, le propriétaire du lodge)



(En photo le « saloon » de Ang Nuru Sherpa)

Donc ça fait trois jours que je déprime dans ce foutu lodge où il n’y
a rien à faire, à part laver son linge et son pied.
J’ai tenté deux footings dans les environs, histoire de réveiller mon
cœur et mes jambes, et j’ai assisté à toutes les réunions de
sensibilisation à l’altitude proposées par le dispensaire de Phériche et
ses docteurs bénévoles Alan et Alison. Je suis incollable sur le MAM
(Mal Aigu des Montagnes).
C’est amusant de se dire que l’un des plus hauts dispensaires du monde
ne reçoit aucune subvention du Népal. Ils vivent des dons et des
consultations des trekkeurs, environs 50 $/ consultation. Sur les 24.000 € que nous avons laissé au ministère du tourisme népalais pour les droits d'ascension, pas un centime ne va au seul hôpital qui vient vraiment en aide aux touristes, cqfd !
Gros sous toujours, j’ai fait la rencontre de l’équipe Sky Diving, qui
entrevoit de sauter en parachute au-dessus de l’Everest, demain ou
après-demain. Sky pour Skynews, la chaîne britannique, il y a des caméras partout.
Ils ont débarqué à 40. Parmi eux, Per Wimmer, un
milliardaire danois qui ne veut pas être pris en photos. Il rêve
de s’envoler dans l’espace et va d’abord se jeter au-dessus de
l’Everest. Ironique, il me lâche : “aux pauvres à faire l’ascension à
pied quand d’autres se paient l’avion”… Chacun d’entre eux a
payé 40.000 $ pour 10 minutes de sensations fortes. Moi, finalement,
avec mes 20.000 € pour deux mois de sensations et d’odeurs fortes, je
m’en sors bien…
Ce soir ils sont partis se faire sauter, moi je reprends du Dal Bat,
c’est encore ce qu’il y a de moins cher… Que c’est loin l’Everest sans un
sou… Il n’en aura que plus de saveur, mon Dal Bat aussi d'ailleurs.





(En photo le mémorial aux morts de l’Everest de Phériche, mis à jour fin 2006)

No Comment !



Antoine Bonfils

episode 4 :


----- Original Message -----
From: Antoine Bonfils
To: LE POINT
Sent: Monday, October 06, 2008 5:25 PM
Subject: Et ça repart !



Et ça repart,






Me voilà donc reparti vers le camp de base de l’'Everest, l'air fringuant et le pied solidement attaché à un compeed.
J'ai toujours dit que l’acclimatation à + de 5000m d’'altitude était très difficile à mettre en oeuvre surtout après une semaine passée seulement au Népal.
Comme quoi j’'avais raison ce retour forcé à 4000 m d’altitude m’a fait le plus grand bien, pour preuve la vitesse avec laquelle je marche à présent.
Malgré un sac à dos extrêmement lourd, je viens à bout des meilleurs porteurs.
Sérieusement me revoilà donc tout ragaillardi près à en découdre avec ce foutu camp de base de l’'Everest aussi inhospitalier que froid et gelé.

En tout cas je n'ai rien raté de ma semaine de villégiature. L’équipe italienne après avoir échappé miraculeusement à une avalanche s'est tout juste hissée vers le camp 2 à 6400m. Donc je suis toujours en course pour les suivre, et par chance j’arrive bien reposé près à attaquer le monstre.


Donc rien de neuf au camp de base si ce n'est la super bonne nouvelle (enfin j'attends de voir) de l'arrivée d’un groupe électrogène (pas les chanteurs) pour ravitailler mon computeur en précieux courant, ainsi que d'une cassette de nettoyage pour ma caméra.



Encore faudrait-il que la météo s'améliore. Une violente avalanche vient d'emporter les échelles de la cascade de glace, emprisonnant dans le même temps une cordée coréenne qui s'était elle aussi hissée au camp 2. Les voilà donc pris
au piège à 6400m, car ils manquent de nourriture: les porteurs qui devaient les approvisionner sont revenus bredouilles, ils n'ont pas pu
passer la cascade de glace. Ici, les avalanches sont quotidiennes ! Demain on va tenter de repartir dans la cascade de glace afin
de venir en aide aux Coréens et de réinstaller les échelles et les cordes.



(en photo la cascade glace de l'Everest et ma caméra)

Au moins une chose que les coréens n'auront pas, c'est l'excellent Yak Steak que m'a préparé Hem, mon super cuisinier de compétition et comme il n'avait pas pu me fêter mon anniversaire la semaine dernière... il m'a fait la surprise d'un énorme gâteau au chocolat ce soir. Le luxe au camp de base. A défaut d'une douche au moins je meurs pas de faim.

Pour tous ceux qui s'inquiétaient, qu'ils se rassurent..... JE N'ARRETE PAS DE MANGER !





Petit détail savoureux, mais révélateur de l’état d’esprit ici: alors que nous discutions avec certains grimpeurs de la possibilité de se servir de ses bouteilles à oxygène au col sud en cas de pépin, je me suis vu répondre par mon comparse mexicain : "Moi, j'ai payé mon oxygène, si quelqu'un en a besoin pour être secouru, il devra attendre que je sois redescendu..." No comment ! Ca commence bien, quand on te dit ça à 5400m d'altitude, je n'ose pas imaginer ce qui se passe à 8000m. Bref, nous voilà bien prévenus: c'est chacun pour soi et il ne faudra pas compter sur quiconque pour nous venir en aide.


A très vite....


Antoine "Ramro chora ho" (bon fils en népalais)

Antoine Bonfils

bon vous aurez la suite un peu plus tard... enfin si ça vous interesse

Super, Desperate Himalayan-Trekker !
vite la suite !
TP

Vui vui moi je la veux bien

----- Original Message -----
From: Antoine Bonfils
To: LE POINT ; LHISTOIRE
Sent: Monday, October 13, 2008 6:00 AM
Subject: L'Everest, c'est pas gagné !



CAMP DE BASE DE L'EVEREST - 5400m - Le 12 octobre 2008,



Bonjour à tous,

J'ai eu l'occasion de repenser aux pieds de Stephen Venables

le premier Britannique à l'Everest sans oxygène. Lorsque je le rencontrai à Katmandou la
veille de mon départ, je remarquai qu'il lui manquait tous les orteils du pied
droit. Lorsqu'à l'approche du camp 1 à 6200m d'altitude, je ne sentis plus
mon gros orteil droit, l'ablation british me revint à l'esprit et je
rebroussai chemin dare dare vers le camp de base laissant là au passage
mon sac à dos de 65 litre qui me cassait le dos.



Bien dangereux de redescendre seul la cascade de glace de l'Everest: ça n'a pas
loupé, dans la partie basse de cet ogre de glace, je
chutai jusqu'aux hanches dans une mare d'eau gelée.
Bien joué, quand on a déja les orteils tout bleus.
Bref, la peur au ventre et mes chaussettes dans les mains je regagnai
finalement mon camp de base, ma maison, mon sweet home. Je dis depuis
le début que réussir l'Everest est une multitude de détails; la preuve,
une chaussure en cuir, pourtant prévue pour le froid mais un tout
petit peu trop serrée et hop on vous coupe les pieds.
C'est donc chaussé de mes Everest GTX (Millet) que je repartis le
lendemain vers ce foutu camp 1 et vers mon sac à dos qui m'attendait
quelque part dans l'Ice Fall.
Cette fois-ci le froid pouvait bien venir, botté de mes GTX je ne
craignais plus - 20°c.

Je croyais le plus dur accompli en retrouvant mon sac à dos à 6000m d'altitude.

Tshiring, mon guide m'avait gentiment assuré qu'une heure et demi de
marche restait à couvrir avant le camp 1. C'était sans compter sur les grandes
échelle qu'il fallait passer.
Je ne suis pas sujet au vertige, mais là c'est autre chose.... Prenez
4 à 6 échelles de 4 mètres chez votre Bricorama, nouez-les bout à
bout avec de la grosse corde de chantier et posez le tout au-dessus
d'une crevasse sans voir le fond !



C'est ça la cascade de glace, ajoutez y le bruit permanent du
glacier qui craque...
En fait c'est une des pires choses qui m'aient été données de franchir,
sans compter le retour où, cette fois-ci, il faut les descendre, à la
népalaise, juste en se tenant par la main à une corde. Parfois, on tire
sur la corde et tout vient, même le pieux à neige qui a bougé dans la
nuit, tout comme le glacier dans lequel il est planté.

En attendant, j'avais réussi à poser ma tente et mon duvet au camp 1
sans ressentir de fatigue et surtout sans ressentir l'altitude.



Nickel, je suis donc bien acclimaté, le régime de steak de yak a
porté ses fruits, j'ai pris 3 kilos de gras mais marché plus vite que
tous mes sherpas.

L'Everest n'a qu'à bien se tenir, j'arrive, je marche fort. Et là c'est
un nouveau drame. Vendredi, ayant terminé difficilement mon deuxième
kilo de macaronis à la pomme de terre, au salami et au lentilles (je
cale assez vite), Pasang, un des sherpas vient nous annoncer que les
Italiens se retirent.
Comment ça, ils se retirent ? En fait ils sont là depuis trop
longtemps, très fatigués et on leur annonce que la météo à venir est
dégueulasse. Il n'en faut pas plus à nos amis transalpins pour fuir le
camp de base.
Problème: cette expédition était la plus grosse à l'Everest cet
automne et, surtout, elle devait ouvrir la voie vers le sommet. En
langage sherpa, ça veut dire poser les 4000 mètres de cordes qui
manquent pour rejoindre en toute sécurité le toit du monde. Et là, on
rigole moins, parce que nous, nous avons fait les comptes, nous avons 75 mètres
de cordes ?! Comment ça 75 mètres ? Et bien en fait mon expédition
comptait bien utiliser la trace des Italiens et donc n'a pas pris de
cordes fixes. Panique, on se consulte avec l'autre expédition encore
en lice, ils ont 600m. Chouette, ça se présente bien.
Après moultes tractations avec les sherpas italiens, si on peut dire,
on obtient dans la douleur 1200m de cordes payés en steak de yaks.
Total, ça fait 1875 mètres, on est loin du compte.
Bon restent au camp de base 3 alpinistes de l'Everest, François
Bon, le parapentiste à ski, qui veut seulement rejoindre le col sud à
8000m, Leonardo Fernandez, le Mexicain sans un sous qui veut rejoindre coûte que
coûte le sommet avec ses bouteilles et moi qui ai l'impression d'avoir
été un peu pris pour un con…
Avec les sherpas pseudo-guides, on se retrouve à 7 en tout et pour tout.
Au moins on ne va pas se gêner sur la montagne.
Aujourd'hui dimanche, réunion au sommet, ou plutôt au camp de base. Les 4

sherpas, en majorité absolue donc, décident de ne pas tenter le sommet ce automne. Trop dangereux. Aussi seuls
800m de cordes nous manquent encore pour rejoindre le col sud à 8000m, ce qui serait déjà un beau défi et ce qui arrange mon copain François. On est pas venu pour rester au camp de base quand même ! Donc ces 800 m de cordes, on les trouve au dernier village, deux heures et demi de marche et deux cents dollars plus tard nous voilà complet.

Total, nous avons maintenant 2675m de cordes à poser à 7 pour rejoindre le col sud.
Mais aussi 2675m de cordes à porter depuis le camp de base. A 8 kilos les 200m,
ça fait 107 kilos, soit 15 kilos chacun... sans compter le duvet, le
matelas, la combinaison, la caméra, l'appareil photo, la valise
satellite et tout le reste. Bref le compte n'y est pas ou du moins il est en trop.



Quoi qu'il en soit la décision est prise, nous allons mutualiser nos
efforts pour équiper et atteindre le col sud de l'Everest et nous
avons une semaine pour ça. Le départ est prévu lundi matin 5h00 et le
retour le 21 octobre... Rien n'est prêt, surtout pas le sac ! Comment
faire rentrer toute ma tente dans mon sac de 65 litres ? Réponse
demain...



Antoine et l'Everest (à l'arrière plan)

Antoine Bonfils

episode 6 :

----- Original Message -----
From: Antoine Bonfils
To: LE POINT
Sent: Monday, October 13, 2008 10:47 AM
Subject: Une avalanche détruit le camp-1





(Mon pied "Gitzo" en carbone-titane et magnésium tiré en série limitée pour les 90 ans de la marque)


EVEREST 2008 : Une avalanche détruit le camp-1

Que ne devrai-je endurer sur cette foutue montagne.

Chance ou malchance, tout est ici question de point de vue.
Nous avions installé un camp 1 à 6200m d’altitude, j’avais placé dans ma
tente, lors de mon premier portage, une deuxième tente (pour le camp-2), mon
duvet, un matelas, mes très gros gants pour le sommet et surtout mon pied caméra de
marque Gitzo, high-tech de technologie, sans doute le pied
caméra le plus léger du monde, mais aussi le plus cher !
Alors pourquoi l’avoir laissé là toute une nuit.
Parce qu’en montagne porter est toujours pénible et que je devais revenir
hier soir pour dormir à ce camp-1.
N’étant pas prêt, n’ayant pas fait mon sac j’ai préféré dormir ici, au camp
de base. Entre-temps une avalanche, que dis-je un tsunami de neige
ensevelissait à tout jamais le camp 1, heureusement sans faire de victimes, il n'y avait personne.
Alors on peut dire que j’ai eu de la chance, mais on peut aussi dire que
maintenant il va falloir trouver de nouvelles tentes, de nouveaux gants, un nouveau duvet et
puis supplier Gitzo ou du moins Bogen Imaging, par l’intermédiaire de son
directeur David Serdimet, de me permettre de trouver un arrangement quant au
remplacement de ce pied caméra si unique… Bref, y a un moment où les pertes commencent à chiffrer...


Et puis soudain, un appel radio me sort de mon récit…C’est Tshiring, mon guide, il a
localisé le camp –1 enseveli par 1m50 de neige. Il a retrouvé les restes de
ma tente, peut être la deuxième tente (avec les deux on peut en faire une), le sac du duvet ?!, un gant et peut-être… le pied Gitzo. Dans quel état ? Nous saurons demain
si le carbone, le titane et le magnésium ont résisté à cette énorme
avalanche…


Que me réserve encore Sagarmatha, la déesse mère des neiges, je le saurai demain, car cette fois c'est sûr je pars à sa rencontre....
En tout cas on s'ennuie pas !


Antoine

Antoine Bonfils

....rohhh.....j'adore les expéditions.......je vais attendre la suite....pour demain..... là....je vais dodo......

super sympa ce récis..... Merci...!!!!!


@+

Patricia.

episode 7 : ..................................











----- Original Message -----
From: Nicolas B.
To: LE POINT
Sent: Monday, October 20, 2008 1:23 PM
Subject: URGENT...Ambassade de FRANCE à Katmandou NEPAL.



Bonjour,


Antoine BONFILS se trouve actuellement dans une situation difficile sur l'Everest.

Il est bloqué seul et sans moyen de communication au niveau du camp 1.

La voie de descente au camp de base est coupée suite à une importante avalanche.

La seule solution pour le secourir est l'intervention d'un hélicoptère de l'armée népalaise.

Cout : environ 30 000 $ US . L'ambassade a besoin de garantie financière afin de déclencher ces secours. Pourriez-vous nous communiquer dès que possible un fax au 977 1 4419968, vous engageant à couvrir les frais de rapatriement?
En principe ce sera à son assurance de couvrir, mais nous préfèrerions envoyer un hélicoptère dès que possible et pour cela il nous faut une garantie.


Toute personne pouvant apporter plus amples renseignements et assistance sur l'organisation de l'expédition d'Antoine BONFILS est priée de prendre contact le plus rapidement possible avec les services consulaires de notre ambassade.



Cordialement



Nicolas B.

Consul et chef de Chancellerie/ consul and head of Chancery

Ambassade de France/ French Embassy
PO Box 452
Lazimpat
Katmandou
NEPAL

et ben elle passionne pas mon histoire...

tant pis vous aurez pas la fin maintenant !!

Vilaine

d'abord je mange ... apres ? ...... je verrais

Mélusine a écrit:

et ben elle passionne pas mon histoire...

Si si ! Elle est passionnante ton histoire !
C'est certainement une aventure extraordinaire pour celui qui la vit, mais aussi beaucoup de risques et d'incertitudes.
Je ne m'y verrais pas pas plus que dans une course en solitaire en mer, d'ailleurs...

bon donc là on est mardi ... l'helico n'a pas pu survoler le camp 1 car la meteo etait trop mauvaise...

Au Point c'est l'efferversence ! les collegues appellent l'ambassade pour avoir des nouvelles....

à cette heure ci ça fait 4 jours qu'il est tout seul (depuis samedi en fait) sans vivres à plus de 6000 m d'altitude...

franchement les gens commencent à ne plus y croire.... dans la tres haute montagne on tient pas longtemps tout seul, sans oxygene et sans eau...

et pourtant ....


From: Denis M.
To: 'LE POINT'
Sent: Tuesday, October 21, 2008 4:27 PM
Subject: Bonne nouvelle de Katmandou...



...Antoine a été retrouvé sain et sauf au camp 1 par l'équipe de secours.

Il serait en bonne santé et ne souffrirait que de quelques gelures.

Il est redescendu au camp de base et sera evacué demain matin par hélicoptère sur Katmandou



Denis M.


PS : ouf !

sa compagne nous envoit des bonnes nouvelles :

From: <heloise.k>
To: LE POINT
Sent: Tuesday, October 21, 2008 2:31 PM
Subject: Antoine

>
> Bonjour,
>
> Je viens d'avoir Antoine au téléphone depuis le camp de base. Vivant
mais
> très
> très très secoué. Il est resté cinq jours et quatre nuits sans aucun
> vivre, sans
> eau, ne se nourrissant que de glaçons. Il risque de perdre ses
orteils. Il
> a des
> coupures aux mains, le visage brûlé, des hématomes. Il dit que son
équipe
> l'a abandonné seul au camp 1, alors qu'il se sentait trop faible pour
> poursuivre
> jusqu'au camp de base après la première avalanche. Il se sent comme un

> miraculé
> de l'Everest.
>
> Merci pour votre soutien à tous.
>
> Héloïse.
>

un peu plus tard dans la journée, l'interessé nous transmet la fin de son recit !
franchement moi je lui dis chapeau !!
quelle volonté incroyable... il a tenu... tout seul ! à 6000m et des bananes ...

moi je dis ce mec il sera plus jamais le meme apres ça...


----- Original Message -----
From: "Antoine Bonfils"
To: "LE POINT"
"MAGAZINE LITTERAIRE"
"l'Histoire"
"Grichka Bogdanov"
Sent: Tuesday, October 21, 2008 2:03 PM
Subject: Je suis vivant ! Le miraculé de l'Everest.


Que c'est il vraiment passé la haut ? Le saurai-je un jour ? Je suis
vivant, contre toute attente, je suis encore en vie. J'ai attaqué ma
descente ce matin vers le camp de base, à 5400m d'altitude. Depuis 4
jours j'ai mangé en tout et pour tout, quelques stalactites de glace
qui pendaient quand j'avais faim.

Rien d'autre, j'ai été abandonné là, à + de 6000 m sans, nourriture,
sans eau et détail con, sans lunettes de soleils et sans lampes
frontales. Essayer de descendre un glacier à + de 6000m sans lunettes,
en plein jour, bon courage !

Donc voilà, j'avais vaguement aperçu un hélicoptère à ma recherche,
mais j'ai appris depuis qu'il y avait trop de vents. Pourquoi, un
hélico ? Tous simplement parce qu'il n'y a plus de cascade de glace !
Plus de montagne, elle s'est évanouie avec l'avalanche, que dis-je le
mouvement qui a enseveli les tonnes de glace de la plus célèbre
cascade de glace de la planète.
Je suis seul au monde. Personne ne peut plus venir me libérer de ce linceul.
Alors lorsque vers 11 je pointe le bout de mon nez au bout d'une échelle.
C'est fort surpris, voir totalement inattendu que le chef de l'expé coréenne s'arrête
et la vue de mon écusson français me dit interloqué
" vous ne pouvez être le french qui manque, vous êtes mort,
il n'y a plus de passage, d'où venez vous ? "
De l'enfer lui dis-je, mais avant je boirais bien
quelque chose. De stupeur ou de respect, tourte l'expé coréenne fait
demi-tour et devant mon état général décide d'un seul homme de m'aider
à redescendre l'Ice Fall. Sans broncher, tous ensemble se relaient
pour m'aider, me soutenir dans cette dernière aventure. Et j'en ai
besoin, mes jambes ne me portent plus, mon épaule est cassée (suite à
chute) et j’ai des douleurs dans les côtes? Mon visage est en sang,
mes mains sont ruinées et mes orteils gelés.

Mais tout le monde va me porter vers ce camp de base.

J'aperçois même les observateurs en bas qui cherchent, qui ça peut
être. Un coup de radio et c'est la cohue, une file indienne monte à
notre rencontre.

Mon cuisinier, Hem qui n'y croyait plus m'apporte à boire et à manger,
un autre coréen m'apporte des gâteaux. Pour tout le monde, j'étais
mort, ils avaient vu les hélicos faire demi tour. C'était le signal.

Maintenant je suis encore en vie, ils se demandent par où je suis
passé J'en sais riens, j'ai beaucoup marché, je me suis beaucoup
tromper. C'est tout voilà!

J 'ai rien découvert, j'ai pas fait le sommet; je suis juste rentré
par mes propres moyens alors qu'on m'avait abandonné là.

Je ne comprenais tous ce bordel, mais quand je suis arrivé au camp
coréen et que j'ai vu les mines réjouit de ces gens d'habitudes plutôt
discret et j'ai alors compris qu'ils ma parlaient de miracle de
l'Everest, alors j'ai pleuré comme un gosse qui se sortait d'une
grosse connerie.

A l'heure qu'il est je tente de conserver quelques orteils. Les
pronostics sont très réservés. Avec de la chance et beaucoup d'eau
chaude (toute la nuit) et de sel, j'en perdrai peut-être deux ou
trois, sur le pied droit.

Je suis brisé, comme rarement la vie peut vous blesser, je ne sens
plus mes orteils, mon estomac et tout mon être est déréglé, mais tout
tremblant que je suis et du bout de ce qui me reste comme doigts je
vous fais la primeur de ce témoignage.A tous prenez soins de vous et
encore une fois, cet Everest ne m'auras pas complètement. Regarde moi,
je vis encore.....

j'ai manqué un épisode ? que c'est-il passé entre le moment où son guide retrouve le camp 1 (avec le pied de l'appareil photo) et le moment où il est tout seul abandonné ????????????