Bon, alors, à la demande générale
j'essaie de faire un copier-coller à suivre. Mais je ne suis pas très douée et c'est un peu long... J'ai pris contact avec le RESPE il y a quelques semaines à ce sujet et leur véto m'a répondu qu'il fallait éviter absolument le fourrage à base de fétuque pour les poulinières pleines. Ce que je ne comprends toujours pas, c'est pourquoi je n'en avais jamais entendu parler avant que les problèmes ne me tombent dessus. J'espère vraiment que cela pourra vous rendre service.
Voilà :
Le choix de la fétuque pour refaire une pâture ou comme fourrage sec tend à se développer actuellement en raison de l’incitation des pouvoirs publics à utiliser cette graminée particulièrement gourmande en gaz à effet de serre. Cette plante constitue le plus souvent un aliment d’une qualité suffisante, même si son appétence demeure inférieure à celle du ray-grass. Pour les éleveurs de chevaux, le choix de la fétuque comme fourrage peut cependant se révéler catastrophique. Cette graminée peut en effet être contaminée par l’acremonium coenophialum, à l’origine de la toxicose de la fétuque.
Cette mycotoxique est de découverte récente puisqu’elle a pour la première fois été mise en évidence par BACON en 1977. Son identification remonte quant à elle à 1982. L’acremonium coenophialum est un champignon microscopique qui est un insecticide naturel produit par la partie aérienne de la plante. Son ingestion est considérée comme une cause d’absence de productivité des animaux d’élevage, particulièrement les chevaux.
Ainsi, dans un élevage du centre-sud du Chili, sur un total de 96 poulinières pleines, lesquelles paissaient dans une prairie de fétuque, 11 avortèrent (soit plus de 10%) et 6 présentèrent une agalactie (soit 1 sur 15). Par ailleurs, l’éleveur déplora un très fort taux de poulains faibles et immatures à la naissance.
L’examen toxicologique de la fétuque consommée par les poulinières montra une forte infection par l’acremonium coenophialum qui fut donc considéré comme la cause du problème.
1. Nature de la contamination
L’acreminium coenophialum est une mycotoxine, c’est-à-dire une substance produite par la moisissure qui se développe directement dans la pâture et demeure sur le foin récolté par la suite. Il faut d’ailleurs relever que la concentration est plus élevée dans les aliments secs ou composés car les toxines demeurent dans l’aliment alors que les moisissures qui les ont secrétées ont disparu.
Les mycotoxines sont connus pour leurs effets cancérigènes, immunogènes ou ostrogéniques. En revanche, la toxicose de la fétuque et ses effets sur les élevages, notamment de chevaux, demeurent largement méconnus.
La toxicose de la fétuque n’est pas transmissible d’animal à animal, la contamination d’un herbivore est donc forcément le résultat d’une ingestion directe.
L’acremonium coenophialum est toxique mais elle n’est pas létale aux doses auxquelles on le trouve dans les aliments. C’est pourquoi sa présence est rarement connue, les symptômes sur les animaux non reproducteurs étant inexistants ou se limitant à un amaigrissement anormal qui demeure inexpliqué.
Cette mycotoxine n’a de conséquences plus visibles que sur les animaux reproducteurs, à condition bien entendu de savoir la reconnaître. Cela peut se faire à titre préventif par l’examen du fourrage au microscope ou, malheureusement, a posteriori par le constat des signes cliniques sur les juments et leurs poulains.
2. Conséquences physiologiques
L’acremonium coenophialum induit une forte diminution de la prolactine sérique, neurohormone induisant la lactation mais aussi la croissance, les réponses immunitaires et l’osmorégulation. On constate aussi un dérèglement de la production de mélatonine, ainsi qu’une diminution des taux sériques de progestérone et une augmentation du taux sérique de 17β-oestradiol.
La baisse du taux de prolactine dans le sang serait due aux effets des alcaloïdes peptidiques, par l’intermédiaire des activités dopaminergiques et anti-sérotonines. L’administration de ces alcaloïdes, qu’ils soient naturels ou de synthèse, a d’ailleurs reproduit la majorité des symptômes et des effets physiologiques de la toxicose de la fétuque sur les chevaux.
2. Signes cliniques
Dans un haras du Kentucky, des analyses montrèrent que les juments poulinière avaient été placées dans une prairie composée de fétuque contaminée par l’acremonium coenophialum. 40% des juments exposées présentèrent des anomalies reproductives (agalactie pour 53% des cas ; gestation prolongée pour 38% ; avortements pour 18% et décollement placentaire pour 9%). Par ailleurs, la majeure partie des poulains naquit faible et immature.
Sur les cas d’avortement, tous à la fin de la gestation, on a observé que les placentas étaient anormalement développés. Des altérations placentaires s’étendaient approximativement sur les deux tiers de la superficie, avec des zones de nécroses présentant des excroissances couleur crème. On n’a pas observé d’autre altération ou signes cliniques sur les animaux infectés.
De même, des lapines exposées volontairement à des doses très fortes de fétuques contaminées avortèrent ou donnèrent naissance à des lapereaux vivants mais immatures.
Pour ce qui concerne les équidés non reproducteurs, la toxicose de la fétuque est souvent asymptomatique. Lorsqu’elle ne l’est pas, on peut constater un amaigrissement anormal, des coliques inexpliquées (souvent légères).
Au-delà de ces constats généraux, les signes cliniques de l’ingestion de fétuque contaminée doivent être distingués selon qu’il s’agit de la jument ou de son poulain.
Pour ce qui concerne la poulinière, on constate :
- une augmentation de l’infertilité (le taux de « remplissage » peut être divisé par deux sur un cheptel) ;
- un risque accru d’avortement en fin de gestation ;
- un allongement du temps de gestation (entre deux semaines et trois mois) ;
- une absence de développement de la mamelle accompagnée d’agalactie totale ou partielle ;
- une augmentation du taux de mortalité de la mère en raison du risque dystocique fortement augmenté par l’allongement du temps de gestation (rotation de 90° ou de 180°, poulain plus large).
En dehors du risque dystocique, le pronostic vital de la jument n’est donc pas engagé par la toxicose de la fétuque.
Pour ce qui concerne le poulain, on constate :
- l’augmentation des risques de privation d’oxygène à la naissance du fait du décollement placentaire (syndrome du « poulain idiot » ; décès) ;
- un état faible et immature car les alcaloïdes peuvent franchir la barrière placentaire,
- des défaillances cardiaque ou hépatique car les alcaloïdes ont un rôle hépatotoxique. Le poulain n’est donc pas viable à plus ou moins court terme mais cela n’apparaît pas forcément à l’examen.
- un risque non négligeable de mort par déshydratation et/ou hypoglycémie dû à la diminution, voire à l’absence, de sécrétion de lait par la mère ;
Le pronostic pour les poulains de mères intoxiquées est donc mauvais.
3. Traitement
La toxicose de la fétuque ne répond à aucun traitement antibiotique.
Avant d’envisager tout traitement, la première chose à faire lors de la suspicion d’une telle intoxication est évidement le retrait de l’aliment contaminé.
Les taux de prolactine et de progestérone retrouvent des valeurs normales en deux à trois semaines (20 jours pouvant être considéré comme le délai de référence). Les symptômes de l’intoxication de la poulinière disparaissent alors d’eux-mêmes sans laisser de séquelles.
En cas d’intoxication grave ou en cas d’urgence (impossibilité de compléter l’alimentation du poulain, par exemple), un traitement médical peut être tenté. Si l’effet des phénothiazines est controversé, l’utilisation des antagonistes dopaminergiques semble être le plus intéressante. La dompéridone est alors à retenir car elle est dépourvue d’effets secondaires neuroleptiques. Il est possible de l’associer à du sulpiride.
Malheureusement, aucun traitement n’est envisageable pour le poulain. En revanche, il est important de souligner qu’aucune étude n’a montré un effet de la toxicose de la fétuque sur les fœtus de trois mois et moins. Ainsi, le retrait de l’aliment contaminé avant la fin du premier trimestre de gestation permet d’être raisonnablement optimiste pour la gestation.
Pour aller plus loin :
DEBRAINE (Marion), Etude clinique des intoxications alimentaires des équidés par les mycotoxines, thèse vétérinaire, 2005, Maison-Alfort,
DRUET (Vincent), L’influence des facteurs environnementaux sur la reproduction de la jument, thèse vétérinaire 2005, Maison-Alfort
BARNETT, D.T. (1985). Fescue toxicosis update. University of Kentucky Equine Data Line. EL 1, Lexington, KY.