Il était une fois, au pays de la grande ville, une vaillante petite auto, hors d'âge, certes, mais en ordre de marche et qui continuait fidèlement à aller chercher le pain le dimanche, et les amis à la gare RER du coin le vendredi.
Elle avait toujours été un peu timide au démarrage lorsqu'elle était tiède (quart de tour à froid, quart de tour à chaud, mais teufteufteufpirienderien à tiède) mais comme elle était fort vieille (AX essence grand cru classé 1991 et 190 000 km...) et plutôt exemplaire à part ça on lui pardonnait volontiers. Après tout, en cas de caprice, il suffisait d'attendre... qu'elle refroidisse ! Pi en plus, sa patronne (moi !) y tenait un peu -beaucoup parce que c'était une voiture "familiale" : pensez : la dernière voiture de mon grandpère, puis la dernière voiture de ma mère, j'étais donc la troisième génération à lui caresser les pédales ! ça mérite du respect.
Oui mais voila, rodée dans le pays sarthois par mon aïeul, puis ayant vagabondé en pays nantais avec ma mère, puis sillonné la france avec moi pendant mes études, la bretagne, la normandie pendant mes deux premiers postes, la vaillante petite auto finit un jour par me suivre, toujours fidèlement, au pays de la grande ville, j'ai nommé : la Région Parisienne.
Sa ville lumière, ses embouteillages, son stress ambiant et ses voitures qui brûlent, mais comme tout un chacun le sait, seulement dans le 9-3, évidemment.
Bon, sur le coup, vu qu'on n'a pas trop atterri dans el 93 mais bien dans le 94, et à la limite de la zone rurale du 77, ma chère petite auto, affectée au poste envié de voiture d'appoint (chercher le pain ou les cops à la gare RER) n'a pas dû trop voir la différence avec la normandie (profonde), mis à part, peut être, le moindre nombre de vaches sur la chaussée.
Oui mais voila, ou plutôt voila-t'y-pas que la petite vie tranquille de ma petite auto pris tout soudain un tour bien plus agité (et, disons le mot, carrément tragique) lundi dernier ! C'est en effet ce jour néfaste qu'à 5h du mat sur mon portable (gni ?) le commissariat de Boissy St Léger m'a téléphoné pour m'apprendre (sans aucun ménagement, ni même une petite cellule de soutien psychologique) que ma petite auto avait brûlé, cramé, flambé sur le parking de la boulangerie dans la nuit. Veuillez passer au commissariat porter plainte s'il vous plaît madame bonne journée. Ouin.
Je vous vois venir, vous voulez savoir comme il se faisse que ma petite auto se trouvait sur le parking de la boulangerie ? et bien c'est tout simple, elle avait fait un caprice : profitant de l'argument (léger) que mon père avait fait un crochet par le conteneur à verre avant d'aller chercher le pain, et que donc, ayant roulé un peu plus, elle était désormais TIEDE, "zut" elle déclara, "je ne rentrerai pas à la maison". Du coup, mon père est rentré à pied et j'avais prévu d'aller chercher la récalcitrante, désormais refroidie, le lundi matin. Point n'en fut besoin, la petite auto n'irait plus nulle part toute seule, pus-je constater en passant devant sur mon chemin au commissariat : les zaffreux qui zy avaient bouté le feu l'avaient laissé à l'état Beyrouth, elle avait donc fondu dans le bitume. Ouin derechef.
Vous me direz, tout cela est bien triste mais pas particulièrement épuisant, alors pourquoi donc que le sous titre de ce post sans aucun intérêt (à part de solliciter quelque empathie bienveillante et réconfortante) parle d'une aventure épuisante ? Et bien c'est simple : parce que dans notre beau pays, et plus encore au pays de la grande ville, se faire brûler sa voiture est un authentique PARCOURS DU COMBATTANT. Avé le supplice de la planche ou je ne sais plus quoi. ramper dans la boue en janvier serait plus confortable, en fait.
Me voila donc (pas de bonne heure, ni de bonne humeur), lundi matin au commissariat pour porter plainte. Bon, ça va à peu près vite, on m'informe rapidement qu'il faut que je fasse enlever l'épave (ben oui, merci de ne pas laisser traîner des déchets svp), et d'autre part je constate avec intérêt que les forces de l'ordre n'ont aucune intention de faire quoi que ce soit pour retrouver les salopiauds qui ont bouté le feu à mon auto. Il faut dire que ce serait très fatiguant : tout notre bled sait qui c'est à commencer par moi, la charmante petite bande se réunissant régulièrement sous mes fenêtres pour faire les cons (genre pétard à 3h du mat) ce qui vaut aux flics de venir contrôler leur identité au moins 1 fois par mois. Vous imaginez le boulot pour élucider le mystère. Bref.
(ils l'emporteront quand même pas au paradis : le papa d'un des charmants marmots étant notre délicieux voisin qui nous a demandé tout miel de nous acheter quelques mètres carrés pour mettre son barbecue, je pense qu'il va pouvoir attendre longtemps).Je ressors de là en me jetant sur mon téléphone pour appeler l'assurance (qui me rassure de suite, ma voiture était au tiers donc je n'aurai pas un radis), puis l'assistance (eux peuvent sans doute prendre en charge l'enlêvement mais il faut que je trouve un épaviste pour assurer l'enlèvement physique) puis l'épaviste (qui veut bien venir la chercher mais a besoin d'un accord formel de l'assistance) donc re l'assistance (qui veut un numéro de fax pour faxer l'accord) etc; etc.
A 16 h tout est calé, j'en ai pas foutu une au bureau mais c'est bon, j'attends l'appel de l'épaviste qui me prévient qu'il embarque ma caisse, je suis très fière de moi. Et là... j'ai un coup de fil de la voisine qui me félicite d'avoir fait enlever la voiture si vite. COMMENT CA J'AI FAIT ENLEVER LA VOITURE SI VITE ???? rappel à l'épaviste, non c'est pas eux. Gottferdam, on m'a volé mon épave !! Appel à la mairie, non plus. Appel au commissariat : "oui évidemment madame votre voiture est à la fourrière, vous ne pensiez tout de même pas qu'on allait la laisser là ??" et hop, pour le même prix me fait engueuler tiens ça manquait.
Je souffle, je respire, je suis un arbre, je sens le vent dans mes branches, toussa. Je réussis tout de même à en placer une et à demander presque poliment comment je fais maintenant. Je suis toute rassurée quand on me répond que c'est très simple : il me suffit de retourner au commissariat (...) faire une levée de fourrière à présenter à la fourrière pour sortir mon épave. Evidemment en payant les frais d'enlêvement (199 €) les frais de nuitée (jesaispluscombienbeaucoup d'euros) les frais administratifs et tout le toutim, budget total 250 à 300 €. Et ne traînez pas, la fourrière ferme à 18h (il est 16h30 et je suis porte de versailles...), si elle n'est pas partie ce soir ça fait tant en plus. Bonne journée madame.
Ouin ouin ouin.
Du coup j'appelle la fourrière, qui me confirme les dires du gentil flic mais en plus sympa (genre celui là ne m'engueule pas, c'est déjà ça) et qu'effectivement, il n'y a aucune chance que je puisse sortir la voiture le soir même, ce sera donc le lendemain. Au passage j'apprends que les flics ne font rien pour retrouver mes vandales mais par contre, ils lui ont téléphoné 4 fois en 3 h pour qu'il enlève la voiture à mes frais, ça ça marche bien. Le mec a l'air assez aimable et me préviens que si j'arrive à l'enlever le lendemain il s'assiera sur les frais de nuitée, c'est déjà ça...
Lendemain, mardi donc, me voila derechef au commissariat pour ma levée de fourrière. Genre suis moyennement de bonne humeur. ça s'arrange brutalement et de façon quantique lorsque j'apprends du planton (un gamin aimable, au moins, et très embêté) que le réseau est en panne, qu'ils ne peuvent pas m'imprimer le papelard et qu'il faut revenir mercredi.
GNIGNIGNI VAIS EN MORDRE UN. Je me calme en lui demandant une attestation comme quoi ils n'ont pas pu me délivrer mon papier, histoire de commencer à monter le dossier de contestation de la mise en fourrière, genre. Ah non, pas possible il ne peut pas faire ça. Il doit pourtant savoir écrire ? mais non pas possible. Mais il voit bien que tout ça me chagrine, alors il me propose d'attendre un peu, peut-être que l'informatique va redémarrer ? ah oui, tiens, un miracle, je ressors de là avec mon papelard, ouf, c'est fou comme la notion de bonne nouvelle est relative et quand rien ne fonctionne, le simple fait de réussir à avoir le papier prévu en suivant la procédure prévue est reconfortant.
ça fait juste 2 demi journées complètes à démêler ce bazar, mais je me dis que je tiens le bon bout. Plus qu'à rappeler l'assistance, la fourrière, l'épaviste, etc. etc. Je repasse par quelques sautes de tension quand je comprends que l'assistance ne prend pas en charge la mise en fourrière mais finalement en négociant (heureusement que j'ai pris mes gouttes) tout le monde se met d'accord et je n'ai qu'à déposer le papier, çe ne me coûtera rien. Ce que je fais le mercredi, et ouffffff, cette affaire me semble derrière moi (et ma chère petite auto aussi, de même que 3 demi journées de congés, mais bon.).
Vous me direz, et voila c'est la fin de cet exaltant feuilleton ? Et bien non, ça continue ! on change les acteurs (exit la petite AX, vive la R5 1989) et on repart pour la deuxième saison. Cette fois, c'est moi le coupable, contraint et forcé : mine de rien, il me manque une voiture avec tout ça, et ma voiture principale prend de l'âge, je vais me renseigner chez citroen à côté de chez moi pour une bonne occasion. Sauf que le mec m'explique qu'il peut me vendre une neuve, et qu'avec les dispositions gouvernementales de débarrassage de la voie publique de poubelles roulantes, si je lui sors de mon chapeau une voiture de plus de 15 ans n'importe laquelle la reprise fait plus que payer les frais de crédit ! voila qui est fort intéressant, je pense de suite à la merveilleuse petite R5 (1989, donc) qui pourrit devant le garage depuis 6 mois faute de contrôle technique lui même faute de carte grise, égarée dans un carton. J'insiste, le commercial confirme : quelque soit l'état de la voiture, même non roulante, il la reprend 1300 € pour l'achat d'une C1 si elle a une carte grise. Ah ah, super, je me dis : il faut juste faire la déclaration de perte. En plus, débarrasser la R5 présente un autre avantage : c'est la première voiture de mon zhom et depuis 15 ans on lorgne chacun sur la voiture de l'autre, convaincue que la notre est mieux, il ferait beau voir que l'AX défaille et la R5 poursuive sa petite vie alors qu'objectivement la mienne était beaucoup, la preuve, l'ax avait un allume cigare, ELLE. La perspective de pouvoir cabosser la R5 au passage me réconforte nettement pas de doute.
Donc je suis allée à la préfecture de police aujourd'hui : 1h30 d'attente, et le couperet tombe (d'une guichetière aimable, genre, un peu comme les flics de Boissy saint léger si vous voyez ce que je veux dire...) : "madame je ne peux pas vous délivrer la carte grise car il manque l'attestation de contrôle technique". moi : évidemment (gourde !) qu'il manque le controle technique, je ne peux pas aller le repasser sans la carte grise ! Elle : je vous délivre une fiche d'identification, avec ça vous pouvez aller passer le CT, bonne journée madame. Et comment je fais pour y aller, je la pousse ??
Ouin ouin ouin puissance 32847.
J'appelle le controle technique : "ah ben c'est pas possible, autrefois on pouvait faire passer un CT à un véhicule non roulant juste pour faire les papiers mais ça ne se fait plus, il faut absolument qu'elle roule pour que vous puissiez nous l'amener, et qu'elle tourne et démarre, même si c'est pour être collée". Soupir.
J'apprends donc que dans notre beau pays, il n'est pas possible de refaire les papiers d'une voiture en panne pour pouvoir la mettre à la casse. Epatant non ? Je ne m'avoue pas vaincue, j'ai contact avec un dénommé Yang dégotté sur leboncoin, avec un nom pareil ça doit bien être les triades chinoises, il propose de me faire passer ma voiture au CT avec une copine qui a un centre. Je vais bien voir, j'attends qu'il me recontacte. Avec un peu de chance, si vous me voyez pas revenir sur le forum dans les quelques jours, c'est sûrement que je suis coulée dans un bloc de béton au fond de la seine.
Et tout ça pour un caprice de ma petite auto...