L'enfer, c'est pas les autres. C'est toutes ces choses qui traînent, là, sous le nez, et menacent quotidiennement de vous attaquer..... Un ouvrage-choc fait le point. Des spécialistes tempèrent.
Votre téléphone portable est un nid à microbes: 20 900 germes au centimètre carré. La petite croûte de pizza carbonisée? Aussi dangereuse à consommer que 10 paquets de cigarettes. Votre oreiller adoré? Composé à 10% d'acariens.
Vous serrez innocemment la pince d'un collègue, en guise de salutations. Peut-être ignorez-vous qu'il sort justement des toilettes, et qu'il ne s'est pas lavé les mains. Résultat: vous avez une chance sur trois de vous retrouver avec des germes fécaux dans la bouche (oui, dans la bouche) dans les deux heures qui suivent.
Parions que vous serez plus prudent lors de votre prochaine poignée de mains. Ou que vous y penserez encore en allant aux toilettes la prochaine fois...
Encore faut-il se laver les mains, pardon, s'essuyer les mains, dans les règles de l'art. Car il ne suffit pas de bien se savonner. Il faut surtout essuyer ses mains une fois l'opération accomplie. Pas sur le dessus de votre pantalon, encore moins sous le séchoir à main. Ces appareils récupèrent les germes des autres usagers, et, la chaleur et l'humidité aidant, les multiplient par centaines. Non, pour sécher comme il faut, le bon vieux papier brun (malheureusement pas du tout écolo) est un incontournable.
C'est le Dr Frédéric Saldmann, anciennement des Hôpitaux de Paris, qui le dit. Il vient de publier une sorte de guide de l'hygiène moderne: On s'en lave les mains, tout connaître sur les nouvelles règles de l'hygiène, chez Flammarion.
«J'ai écrit ce livre pour dire ce que je n'avais jamais osé dire à mes patients, explique-t-il, en entrevue téléphonique de Paris. Parler d'hygiène, c'est intime, c'est personnel, cela prend un peu de temps. Or, l'hygiène a beaucoup été enseignée jusque dans les années 60 dans le monde. Mais cet enseignement a disparu avec l'arrivée des antibiotiques. C'est une erreur. Car aujourd'hui, on voit apparaître des germes résistants à tous les antibiotiques.»
Qui a-t-il de «moderne» dans son guide ? «La population sensible aux germes augmente, répond-il. On vit de plus en plus vieux. Et plus on avance, plus notre immunité diminue. À 90 ans, on peut mourir d'une grippe. Autrefois, on mourait du diabète. Aujourd'hui on en vit, mais les diabétiques sont beaucoup plus sensibles. Il y a des tas de populations qui sont plus sensibles. Et plus on avancera, plus on aura des gens sensibles. »
L'homme, réputé pour son expertise en matière d'hygiène et de cardiologie, a fait couler beaucoup d'encre lorsqu'il a révélé, il y a une dizaine d'années, la présence de traces d'urine sur les cacahouètes offertes dans les bars, dans un ouvrage intitulé Les nouveaux risques alimentaires.
Il revient cette fois à la charge en faisant le tour de notre environnement immédiat : chambres à coucher, cuisines, jardins, histoire de souligner tous les dangers qui s'y cachent.
Mais revenons un instant aux toilettes. Saviez-vous que si vous ne fermez pas le couvercle en tirant la chasse d'eau, vous risquez d'asperger les murs de germes fécaux? Que les mains humides transportent 500 fois plus de germes que les mains sèches ?
«Les règles d'hygiène, si on les applique, sont de formidables boucliers», avance l'auteur.
Un exemple ? «Dans une étude au Bangladesh, nous avons suivi 35 communautés pendant 10 semaines. Nous leur avons donné du savon et de l'eau et expliqué qu'il fallait se nettoyer avant de manger, et après être passé aux toilettes. Nous avons observé 62% de diarrhées en moins!»
Gare aux produits bios
Dans la cuisine, même les produits bios ne sont pas sans danger, nous apprend l'auteur. D'abord, parce que rien ne garantit qu'ils n'ont pas été exposés aux produits chimiques d'un champ voisin, non bio, par le ruissellement des pluies.
Ensuite, parce que certains fruits et légumes, notamment les pommes bios, sont particulièrement à risque d'être attaquées par des moisissures (moins fréquentes dans l'agriculture «traditionnelle», à cause des pesticides et fongicides). Or, ces moisissures, qui prennent l'apparence de taches brunes, sont cancérigènes.
L'auteur montre aussi du doigt les presse-fruits électriques, dont la pression peut laisser passer les pesticides, de l'écorce dans le jus. Sans oublier la mode de la viande et du poisson crus, qui sont de véritables véhicules pour les vers (pas moins de 100 000 Français seraient habités par des vers solitaires, affirme l'auteur).
Dans la chambre à coucher, enfin, Frédéric Saldmann rappelle que les acariens ont un lieu de prédilection: nos oreillers. «Pour vivre, ils ont besoin d'humidité et de peau morte. Ils trouvent donc à boire et à manger dans nos oreillers.» Au bout d'un an, 10% du poids de votre oreiller est constitué d'acariens, morts ou vivants, et de leurs déjections, hautement allergènes. D'où l'intérêt, outre d'aérer régulièrement, de changer d'oreiller chaque année, souligne l'auteur.
Vers la fin de son livre, Frédéric Saldmann consacre un chapitre entier au risque que représente la grippe aviaire, y allant même de quelques conseils, en termes de produits à stocker en cas de pandémie (nombre de boîtes de conserve, masques, etc.). L'auteur refuse pourtant de se faire taxer de paranoïaque. « Il s'agit de retrouver les vieux réflexes de nos ancêtres, dit-il, On garde quelques victuailles, comme ça après, on n'y pense plus.»
- AFP